Malgré la morosité de la conjoncture et les annonces pessimistes du Conseil Fédéral, nous avons rendu visite à Emir Omerovic à l’entraînement du FC Champagne-Sports pour faire le point de la reprise avec lui.
Bonjour Emir, comment vous avez traversé cette pause forcée et comment s’est déroulée la reprise des entraînements, à Champagne?
Comme cela a été le cas pour tout le monde, j’imagine. La pause a été difficile. Malgré cela, on garde espoir qu’on puisse un jour rejouer au foot. Officiellement, on a repris mi-janvier, par groupes de cinq. Ca s’est bien passé. Malheureusement, au fil des annonces de la Confédération, toujours décourageantes, on a senti la motivation des gars baisser. A la longue, l’assiduité aux entraînements s’en est ressentie.
Le foot sans contacts, ça vous plait?
Pour moi, ce n’est pas du foot! Tous ceux qui pratiquent ce sport depuis des années le savent très bien. Le foot est un sport avec des contacts. C’est aussi dans les tacles, dans les duels que l’on prend du plaisir. Maintenant pour en revenir à notre réalité, la préparation des entraînements sans contacts, c’est très compliqué. Il faut constamment réfléchir aux petits détails, pour respecter cette absence de contacts qui nous est imposée.
Il faut rivaliser d’ingéniosité…
Oui, on essaie de trouver des nouveaux exercices qu’on n’avait pas l’habitude de faire par le passé. On fouine à gauche à droite, sur internet aussi, pour voir ce qu’on peut proposer pour respecter au mieux les directives du Conseil Fédéral. Et puis, pour ne rien arranger, les vestiaires sont fermés, soit les gars arrivent changés, soit ils doivent se changer au bord du terrain. C’est vraiment compliqué.
Niveau reprise, c’est toujours la bouteille à l’encre. Trois options ont été avancées. 1. Celle de tout jouer le programme prévu en alignant les semaines anglaises. Elle n’est clairement plus crédible. 2. Il y a l’idée de terminer le premier tour et de scinder les championnats en deux poules, une forte, se battant pour le titre, l’autre faible, luttant contre la relégation. 3. Simplement terminer le premier tour afin de pouvoir valider les promotions et relégations. Quelle option vous paraît la meilleure?
Pour moi, l’option de se contenter de boucler le premier tour serait clairement inéquitable. Alors bien sûr, les équipes qui termineraient en tête seraient heureuses d’un tel épilogue avec une promotion acquise après 13 matches. Mais moi, je pense aux équipes du bas de classements. Ce ne serait pas juste pour elles d’être reléguées sur 12-13 rencontres. Imaginons le cas d’une équipe qui s’est battue pendant des années pour arriver en 2e Ligue et qui devrait couler sur une demi-saison… Non, ce ne serait clairement pas juste. L’idée de boucler le premier tour et de partir sur des play-off, play-out, pour le titre et contre la relégation, ça me paraîtrait pas mal, au vu de la situation. Après, je suis un fervent partisan de l’idée qu’il faut faire une saison complète. Mais la situation est celle qu’elle est, et vu les annonces du jour (ndlr: interview réalisée le 14 avril) ça paraît très, très, très difficile d’y parvenir. En définitive, en tant que joueur de foot, je prendrai le scenario qui viendra, tant qu’on peut enfin rejouer et retrouver le plaisir que l’on a perdu depuis maintenant un certain bout de temps.
Ça vous paraît vraiment plausible qu’on reprenne un jour cette saison?
Honnêtement, aujourd’hui, je ne vois pas comment. Les cas de gens positifs au COVID se stabilisent à 2000-2500 cas par jour. Les différents objectifs du Conseil Fédéral ne sont pas réalisés. Je ne vois pas comment on va réussir à ne serait-ce que terminer ce fameux premier tour. Peut-être qu’en définitive, la meilleure des choses serait de laisser tout le monde tranquille et d’annuler la saison, comme l’an dernier et de repartir dès que possible, en juin-juillet sur quelque chose de nouveau. En France, la saison des championnats amateurs a d’ores et déjà été annulée. Si on se calque sur l’an dernier, la Suisse avait suivi quelques semaines plus tard. On se dirige vers ça. Ca m’embête, et je garde espoir, mais je pense qu’on va dans ce sens.
Le hockey et d’autres sports d’équipes ont déjà montré la voie en Suisse…
D’autant plus. Je ne vois pas pourquoi le football ferait exception. En discutant à gauche, à droite avec d’autres entraîneurs, mais aussi des arbitres, puisque mes deux frères sont arbitres, j’entends partout le même son de cloche. Plus personne ne croit vraiment à une reprise.
S’il devait tout de même y avoir une reprise, avec quelle équipe, Champagne retrouverait-il la compétition? On le sait, de manière générale, la pause hivernale permet des aménagements au niveau de l’effectif. Quelle a été la donne chez vous?
On a eu des mouvements. Il y a déjà des joueurs qui ont arrêté, désireux de se consacrer davantage à leur vie de famille. Concrètement, on a eu cinq départs et cinq arrivées. Pour faire venir des joueurs, ça a été compliqué. Vu la situation, personne n’avait vraiment envie de bouger. Pour notre part, ça a été un mercato hivernal très compliqué.
On a un peu de la peine à vous croire quand même… Parce que Champagne, historiquement, c’est quand même un club qui a la réputation d’avoir les moyens de convaincre des joueurs de signer chez lui..
Honnêtement, en début de saison, on a accordé des frais de déplacements à certains éléments qui venaient de la région lausannoise. Malheureusement, avec la situation liée au COVID, on ne pouvait plus se permettre de verser ces frais aux joueurs. Il n’y a plus de matches, plus de buvette, c’est-à-dire plus d’entrées d’argent.
Du coup, les mercenaires, si on peut les appeler comme ça, ont tourné les talons ?
Je n’aime pas trop ce qualificatif… Et je comprends que quelqu’un qui habite Lausanne, qui effectue trois fois par semaine les aller-retour pour venir s’entraîner à Champagne, n’ait plus envie de venir si on ne lui paie pas au moins le plein. Surtout qu’à Lausanne, ce ne sont pas les bonnes équipes qui manquent. Honnêtement, je n’en veux pas à ceux qui sont partis. Je les comprends. A titre personnel, j’estime qu’on est un club amateur et qu’on doit le rester. Je ne suis absolument pas partisan de ces clubs qui rémunèrent les joueurs, à notre niveau. On entend parfois parler de sommes faramineuses… Du genre 2000 francs par mois pour jouer en 2e Ligue… Moi je trouve ça complètement aberrant.
La chose la plus importante à notre niveau, c’est de prendre plaisir. Un entraînement, c’est une heure et demi, deux heures, où on ne pense à plus rien d’autre qu’au plaisir de jouer au foot. On oublie le travail, les soucis familiaux, on ne se consacre qu’au foot. En tant que joueur, j’ai évolué dans des équipes où l’argent était présent. Et tôt au tard, ça part en vrille. J’avais vécu ça à Léchelles, avec un mécène (ndlr: Denis Vipret) qui régalait abondamment les joueurs et quand il a décidé d’arrêter, l’équipe a complètement disparu. Cet hiver, quand j’ai essayé de recruter et qu’on m’a demandé combien on payait, ma réponse a été simple: on ne paie pas! Si les gens veulent toucher de l’argent, il faut qu’ils aillent en 2e inter ou mieux, en 1re Ligue. Ici, les joueurs touchent 30 francs par point acquis. En cas de victoire, tu prends du plaisir pendant deux heures pour jouer au foot avec les copains et tu repars avec 90 francs, c’est déjà pas mal non?
Très clairement!
Départs et arrivées à la mi-saison: 5 départs: Armen Demiri (arrêt), Dejan Janjic (Azzurri Lausanne/1re), Julien Kuhne (La Sarraz-Eclépens 1re), Gaetan Ngongo (Richemont/2e) et Kevin Isufi (pause). 5 arrivées: Mika Castejon (Forward Morges/2e i), Samir Mehmedovic (FC Grandson-Tuileries), Dylan Varela (FC Béroche-Gorgier), Romain Pieren (FC Echallens/2e), Mohamed M Sabeg (Vevey United/1re) .