Doté de la meilleure défense et de l’attaque la plus percutante, Yverdon Sport Féminin marche sur l’eau en ce début de saison de LNB. Solide leader avec 21 points, soit huit unités d’avance sur le peloton de ses poursuivants, YSF est aussi toujours en lice en Coupe, une compétition dans laquelle il s’est offert le scalp de Rapperswil, une formation de Super League.
Avant d’affronter Etoile Carouge ce samedi, YSF n’a perdu aucun match sur le terrain. Sa seule défaite, il l’a concédée par forfait après une mauvaise gestion à Wil où le staff a utilisé quatre fenêtres de changements, soit une de plus qu’autorisé par le règlement. «C’est ma faute je l’assume pleinement. Je repense souvent à cette erreur et elle me fait mal, parce qu’elle a signifié l’échec du but très ambitieux que je m’étais fixé, à savoir celui de remporter tous nos matches cette saison, en LNB», pose Arnaud Vialatte, l’entraîneur principal du club nord-vaudois.
«John Hannibal» Vialatte
Car après une saison qu’il qualifie de «construction», le neveu de «Madame Yverdon Féminin» Linda Vialatte s’en tient à sa feuille route: «Il était question de poser les bases dans un premier temps et de mettre le paquet lors du second exercice de tout entreprendre pour rejoindre l’élite». A l’instar du lieutenant-colonel John Hannibal Smith de l’Agence tous risques, le très méticuleux Arnaud Vialatte aime qu’un plan se déroule sans accrocs. Et comme le sympathique mercenaire hors-la-loi au service des gentils, celui qui coache depuis qu’il a 16 ans, ne laisse rien au hasard: «J’ai bossé nuit et jour pour présenter un projet en anglais aux nouveaux propriétaires américains du club. J’ai pris les devants pour les convaincre que ça valait la peine de se donner les moyens de monter quelque chose de cohérent. Je voulais une équipe compétitive, permettre aux filles de se sentir un petit plus pros que par le passé», explique-t-il.
Pourtant, si le budget a quelque peu augmenté, ce n’est pas vraiment au niveau des fiches de salaires qu’Yverdon Sport Féminin a changé de galaxie. «L’argent confié nous a permis de conserver les cadres qu’on voulait absolument garder et a permis d’attirer les joueuses dont on avait vraiment besoin dans le projet. Elles sont certes dédommagées, mais ce n’est pas au niveau financier que le plus grand saut a été effectué, c’est plutôt au niveau de l’encadrement, des choses, des avantages que le club met à disposition des filles.»
Photos: Champi
Juniores en approche
Visionnaire, le coach coiffe aussi la casquette de chef de projet. Profitant du réseau qu’il s’est créé tant dans le monde du ballon rond que dans le Nord-vaudois, Arnaud Vialatte travaille aussi en toute intelligence avec les responsables de l’académie. Ainsi cinq juniores s’entraînent très régulièrement avec l’équipe-fanion, tandis que deux autres intègrent le groupe une fois par semaine. «Parmi les cinq, il y a notre gardienne Sarah Chatton qui est devenue titulaire à ce poste, du coup, je devrais parler de quatre», précise l’entraîneur.
Ce que l’on voit désormais sur le terrain et qui semble couler de source est le fruit d’un travail acharné. «Les joueuses ont dû s’adapter à plein de nouvelles choses depuis mon arrivée. Il y a eu les mouvements naturels comme la retraite de Mimi (ndlr: Mirjana Pajovic) à l’issue de sa superbe carrière. Et sinon, certaines n’étaient pas prêtes à s’investir autant que je le demandais et d’autres ont compris qu’elles étaient trop limite pour répondre aux nouvelles exigences», justifie-t-il les mouvements qui ont escorté sa prise de fonction et ses premiers mois sur le banc. Une fois le groupe façonné à ses exigences, l’entraîneur a pu travailler dans un excellent état d’esprit: «J’ai beaucoup d’échos positifs qui me reviennent de la part des filles, actuellement.»
Tout le monde sur le pont
De son côté, Arnaud Vialatte est très satisfait des progrès réalisés en un peu plus d’une saison: «Tactiquement, on est bien en place. Le principe du bloc haut est acquis. On peut tabler sur une bonne stabilité défensive et offensivement, on joue bien au ballon, c’est même une de nos marques de fabrique qui est reconnue dans la Ligue». Pour parvenir à ses fins, le coach n’a pas hésité à replacer des joueuses: «Désormais, Carina Da Costa joue devant. Dotée d’une belle technique, elle n’aimait pas trop aller au duel dans l’entre-jeu. Du coup, à cette nouvelle position, elle peut décrocher et cela met les adversaires dans l’embarras. A l’inverse, Marie Dumas qui évoluait en 6 a reculé d’un cran. Elle peut faire le jeu depuis l’arrière mais elle possède aussi cette qualité de gestion de la pression qui lui permet de garder la tête froide dans les situations chaudes. Enfin, au milieu, on a un bloc absolument top avec le trio Ilona Guede -Elise Boccali – Chloé Le Franc.»
Si, comme partout ailleurs, certaines joueuses constituent les bases de l’équipe, pas question pour elles de se reposer sur leurs lauriers. «Rien n’est acquis. Je n’hésite pas à redistribuer les cartes. Et certains de mes choix forts s’avèrent payants. Ainsi contre Soleure, ce sont les trois nouvelles entrées qui ont fait tourner le match». A certaines occasions, des habituelles titulaires ont dû faire banquette après une performance peu aboutie lors de la partie précédente ou en raison d’une méforme affichée à l’entraînement. «C’est aussi comme ça qu’on garde tout le monde concerné. Je le dis et le redis aux filles: tout le monde a un rôle important dans le groupe et chacune doit être prête à faire le job.»
Un binôme complice et efficace
Celui qui se décrit comme le capitaine à bord aime échanger avec ses matelotes. «J’inclus beaucoup les filles dans les discussions. Pour moi, c’est important qu’on arrive à monter un projet commun. Avant la saison, j’ai consacré de 45 minutes à une heure aux entretiens individuels avec chacune des filles». Et rien n’est figé pour l’entraîneur: «on fait des questionnaires anonymes environ une fois par mois où elles peuvent faire part de leur ressenti, de leurs questions et de leurs critiques sans retenue. Cela permet de construire ensemble la suite du projet et cela évite aussi les critiques intestines par derrière qui peuvent rapidement plomber l’ambiance d’un groupe. La force d’un coach réside notamment dans sa capacité à se remettre en question. Je n’ai aucun problème avec ça. J’arrive à prendre du recul sur les points négatifs comme sur les remarques positives», assure-t-il.
Pour l’épauler dans sa tâche, le capitaine s’est trouvé une seconde, qui fait le relais avec le vestiaire: Ilona Guede. «C’est elle qui porte le brassard. Quand elle est arrivée à la mi-saison lors du dernier exercice, le courant entre nous est tout de suite passé. On a beaucoup parlé ensemble du projet, de la vision. Et on continue de le faire. Elle est mon véritable bras droit. Engagée par le club à la communication, elle m’aide au-delà de l’aspect sportif. Sa collaboration et sa personnalité me sont très précieuses.»
Si tout roule actuellement pour un YSF en pleine bourre, Arnaud Vialatte sait bien que cette félicité ne durera pas éternellement, qu’un jour ou l’autre il y aura forcément un coup de moins bien. Il s’agit pour le coach de l’anticiper au mieux: «J’ai déjà averti que ce sera une autre paire de manches le jour où on sera menés 2-0. On verra comment on réagira, si on saura faire face. Pour l’instant, on n’a rien accompli. Ça se passe bien, mais on n’a rien concrétisé. Toutefois, la cohésion du groupe nous permet d’avoir encore une marge de progression». C’est cette cohésion qu’il s’agira, une fois encore, de transformer en arme imparable, ce samedi soir dans le derby romand face à Etoile Carouge.